En annonçant cette semaine le plan de contrôle de l'immigration le plus ambitieux depuis un demi-siècle alors qu'il caracole en tête des intentions de vote à la primaire républicaine, Donald Trump vient probablement de déclarer une guerre totale à l'establishment progressiste, la droite américaine de se trouver un champion, et le diable de sortir de sa boîte.
Je dis probablement car une partie des conservateurs, échaudée par des décennies de défaites successives et de contrôle toujours plus absolu de l'establishment, doute encore de la sincérité de Trump, estimant qu'il ne fait sans doute que tanker la primaire en attirant les projecteurs à lui pour mieux écrémer la multitude de candidats mineurs et favoriser l'onction de Jeb Bush, candidat désigné des Powers-That-Be et des grands donateurs du GOP.
Cette hypothèse a l'alibi de l'expérience pour elle. Le processus de nomination des deux partis américains est conçu et mené de manière à ce que rien n'en émerge qui ne soit dûment approuvé par l'appareil. Les supporters de Ron Paul, qui avait soulevé un certain enthousiasme au sein de la base il y a quatre ans, en savent quelque chose. L'homme lui-même ne brille pas par la consistance de ses positions, ayant soutenu les Démocrates a plusieurs reprises par le passé, sans parler de son image de milliardaire un peu excentrique dont l'estime de lui-même confine à la mégalomanie. Le plan est donc qu'il explose en vol avant les caucus de l'Iowa au mois de janvier.
Seulement voilà : Trump n'est pas Ron Paul, et en quatre ans la situation est passée de grave à désespérée. Les Etats-Unis font face, comme le reste de l'Ouest, à des problèmes extrêmement sérieux tant sur le plan social qu'économique, et la colère gronde parmi une population qui sent à juste titre qu'elle a été lâchée par ses élites. Trump a largement de quoi justifier l'évolution de son point de vue, et il ne sera pas aussi aisé de le désarçonner.
Mais surtout, Trump a franchi un point de non-retour en s'attaquant frontalement à la forteresse politiquement correcte. Ses positions relèvent du blasphème absolu contre la religion multiculturaliste. Or il est plus ou moins impossible de s'aventurer sur ces sujets, particulièrement de la façon dont il le fait, sans être extrêmement sérieux dans ses intentions. Son plan parle ouvertement de déportation, de fin du droit du sol. Qu'il s'agisse de promesses de campagne ou non, le simple fait que ces sujets soient mis sur la table par un candidat à la présidence largement soutenu est un séisme.
Trump sait. Il a compris. Il s'entoure de gens qui ont compris. Et il dit ouvertement les choses, comme dans cette interview où il répond au présentateur Chuck Todd que les familles d'illégaux doivent effectivement partir.
We either have a country, or we don't.
Il faut mesurer que c'est un moment d'anthologie. Il y a dans la course à la présidence américaine un homme résolu à adopter une approche réaliste et sans concession sur la question de l'immigration.
Trump joue toute sa crédibilité dans cette campagne. Il ne pourra pas s'en retirer dans trois mois en disant qu'on a bien rigolé et n'oubliez pas de regarder mon prochain reality show les copains. Au surplus, il dispose de moyens colossaux qui lui garantissent son indépendance et ne peut pas être acheté. Il a jusqu'ici refusé d'exclure une candidature indépendante si le GOP torpille la sienne, à la plus grande fureur de l'establishment républicain qui serait alors assuré de perdre les élections et a tenté de l'exclure du premier débat des candidats sur ce motif.
Ses attaques sont de celles qui n'envisagent pas de réconciliation. Une partie importante de ses clients, terrorisée à l'idée de se retrouver du mauvais côté de la ligne politiquement correcte, l'a d'ailleurs déjà prudemment lâché. The Donald means business. He's in for good.
Evidemment, la riposte ne s'est pas faite attendre. La Cathédrale a sorti l'artillerie lourde après l'annonce du plan Trump/Sessions. Rien ne sera épargné à Trump, et les deux armes les plus puissantes dont elle dispose contre lui, le racisme et le disqualifier comme fou, seront utilisées à plein régime d'ici à la fin de l'année. Trump est sur le point d'encaisser une offensive comme personne n'en a subie depuis très longtemps, et il n'est pas certain que lui-même soit entièrement préparé à la violence de la contre-attaque qui l'attend - ni d'ailleurs qu'il soit souhaitable qu'il en soit entièrement conscient.
Depuis le début de la campagne, Trump affiche sans ambages son mépris le plus absolu pour les médias, qu'il connaît par cœur et prend ouvertement pour les laquais serviles qu'ils sont. Sa grande force est qu'il se montre jusqu'ici imperméable à leurs stratégies classiques d'élimination des gêneurs. De toutes les attitudes qui lui attirent la sympathie du public américain, c'est peut-être celle qui lui vaut le plus de crédit. Plus il dépasse allègrement les limites du discours autorisé et enchaîne les outrances, plus son soutien populaire augmente, ce qui a valu le sobriquet affectueux de Teflon Don par ses supporters. La presse américaine, corrompue au dernier degré, habituée à l'instar de la presse européenne à tenir le rôle de clergé de la Cathédrale chargé de sermonner les masses et d'emporter leur consentement en pratiquant l'intimidation si nécessaire, est dans le collimateur de l'opinion. Trump le sait, et il est en train de lui faire d'énormes dégâts.
Mais Trump a les moyens de résister. Il est lui-même un produit du système, une créature de la Cathédrale. Il est taillé pour ce combat. Comme d'habitude, le néoréactionnariat américain nous gratifie des analyses les plus brillantes sur le sujet, ce dernier phénomène étant décortiqué à la perfection par l'excellent Ryan Landry ici.
Enfin, Trump dégage une véritable énergie masculine. Après Obama, l'homme qui expliqua à l'Amérique qu'il a arrêté de fumer par crainte de sa femme, entre Hillary la castratrice lesbienne et Jebito Bush qui est à l'évidence l'archétype du mâle beta, la bonne vieille arrogance old-school de Donald Trump est un vrai bol d'air. Trump parle et agit en leader. Il ne s'autorise pas le confort de l'apaisement, ne s'excuse jamais pour ses outrances et adopte en permanence une position offensive.
Lorsque l'establishment lui est tombé dessus pour avoir remis en question le statut de héros de guerre de ce vieux crony pommadé de John McCain, s'est-il aplati et confondu en excuses? Non. Il est revenu pour en remettre une couche.
Je dis probablement car une partie des conservateurs, échaudée par des décennies de défaites successives et de contrôle toujours plus absolu de l'establishment, doute encore de la sincérité de Trump, estimant qu'il ne fait sans doute que tanker la primaire en attirant les projecteurs à lui pour mieux écrémer la multitude de candidats mineurs et favoriser l'onction de Jeb Bush, candidat désigné des Powers-That-Be et des grands donateurs du GOP.
Cette hypothèse a l'alibi de l'expérience pour elle. Le processus de nomination des deux partis américains est conçu et mené de manière à ce que rien n'en émerge qui ne soit dûment approuvé par l'appareil. Les supporters de Ron Paul, qui avait soulevé un certain enthousiasme au sein de la base il y a quatre ans, en savent quelque chose. L'homme lui-même ne brille pas par la consistance de ses positions, ayant soutenu les Démocrates a plusieurs reprises par le passé, sans parler de son image de milliardaire un peu excentrique dont l'estime de lui-même confine à la mégalomanie. Le plan est donc qu'il explose en vol avant les caucus de l'Iowa au mois de janvier.
Seulement voilà : Trump n'est pas Ron Paul, et en quatre ans la situation est passée de grave à désespérée. Les Etats-Unis font face, comme le reste de l'Ouest, à des problèmes extrêmement sérieux tant sur le plan social qu'économique, et la colère gronde parmi une population qui sent à juste titre qu'elle a été lâchée par ses élites. Trump a largement de quoi justifier l'évolution de son point de vue, et il ne sera pas aussi aisé de le désarçonner.
Mais surtout, Trump a franchi un point de non-retour en s'attaquant frontalement à la forteresse politiquement correcte. Ses positions relèvent du blasphème absolu contre la religion multiculturaliste. Or il est plus ou moins impossible de s'aventurer sur ces sujets, particulièrement de la façon dont il le fait, sans être extrêmement sérieux dans ses intentions. Son plan parle ouvertement de déportation, de fin du droit du sol. Qu'il s'agisse de promesses de campagne ou non, le simple fait que ces sujets soient mis sur la table par un candidat à la présidence largement soutenu est un séisme.
Trump sait. Il a compris. Il s'entoure de gens qui ont compris. Et il dit ouvertement les choses, comme dans cette interview où il répond au présentateur Chuck Todd que les familles d'illégaux doivent effectivement partir.
We either have a country, or we don't.
Il faut mesurer que c'est un moment d'anthologie. Il y a dans la course à la présidence américaine un homme résolu à adopter une approche réaliste et sans concession sur la question de l'immigration.
Trump joue toute sa crédibilité dans cette campagne. Il ne pourra pas s'en retirer dans trois mois en disant qu'on a bien rigolé et n'oubliez pas de regarder mon prochain reality show les copains. Au surplus, il dispose de moyens colossaux qui lui garantissent son indépendance et ne peut pas être acheté. Il a jusqu'ici refusé d'exclure une candidature indépendante si le GOP torpille la sienne, à la plus grande fureur de l'establishment républicain qui serait alors assuré de perdre les élections et a tenté de l'exclure du premier débat des candidats sur ce motif.
Ses attaques sont de celles qui n'envisagent pas de réconciliation. Une partie importante de ses clients, terrorisée à l'idée de se retrouver du mauvais côté de la ligne politiquement correcte, l'a d'ailleurs déjà prudemment lâché. The Donald means business. He's in for good.
Evidemment, la riposte ne s'est pas faite attendre. La Cathédrale a sorti l'artillerie lourde après l'annonce du plan Trump/Sessions. Rien ne sera épargné à Trump, et les deux armes les plus puissantes dont elle dispose contre lui, le racisme et le disqualifier comme fou, seront utilisées à plein régime d'ici à la fin de l'année. Trump est sur le point d'encaisser une offensive comme personne n'en a subie depuis très longtemps, et il n'est pas certain que lui-même soit entièrement préparé à la violence de la contre-attaque qui l'attend - ni d'ailleurs qu'il soit souhaitable qu'il en soit entièrement conscient.
Depuis le début de la campagne, Trump affiche sans ambages son mépris le plus absolu pour les médias, qu'il connaît par cœur et prend ouvertement pour les laquais serviles qu'ils sont. Sa grande force est qu'il se montre jusqu'ici imperméable à leurs stratégies classiques d'élimination des gêneurs. De toutes les attitudes qui lui attirent la sympathie du public américain, c'est peut-être celle qui lui vaut le plus de crédit. Plus il dépasse allègrement les limites du discours autorisé et enchaîne les outrances, plus son soutien populaire augmente, ce qui a valu le sobriquet affectueux de Teflon Don par ses supporters. La presse américaine, corrompue au dernier degré, habituée à l'instar de la presse européenne à tenir le rôle de clergé de la Cathédrale chargé de sermonner les masses et d'emporter leur consentement en pratiquant l'intimidation si nécessaire, est dans le collimateur de l'opinion. Trump le sait, et il est en train de lui faire d'énormes dégâts.
Mais Trump a les moyens de résister. Il est lui-même un produit du système, une créature de la Cathédrale. Il est taillé pour ce combat. Comme d'habitude, le néoréactionnariat américain nous gratifie des analyses les plus brillantes sur le sujet, ce dernier phénomène étant décortiqué à la perfection par l'excellent Ryan Landry ici.
Enfin, Trump dégage une véritable énergie masculine. Après Obama, l'homme qui expliqua à l'Amérique qu'il a arrêté de fumer par crainte de sa femme, entre Hillary la castratrice lesbienne et Jebito Bush qui est à l'évidence l'archétype du mâle beta, la bonne vieille arrogance old-school de Donald Trump est un vrai bol d'air. Trump parle et agit en leader. Il ne s'autorise pas le confort de l'apaisement, ne s'excuse jamais pour ses outrances et adopte en permanence une position offensive.
Lorsque l'establishment lui est tombé dessus pour avoir remis en question le statut de héros de guerre de ce vieux crony pommadé de John McCain, s'est-il aplati et confondu en excuses? Non. Il est revenu pour en remettre une couche.
Traité de crétin par le sénateur Lindsey Graham, lequel lorgne sur la présidence lui aussi, que fait Trump? Cherche-t-il à apaiser les choses? S'indigne-t-il comme le premier étudiant en sociologie venu? Non. Il préfère suggérer à l'audience d'un de ses meetings de demander des clarifications au sénateur Graham sur sa requête de soutien auprès de la campagne Trump en brandissant son numéro de portable (voir ici à 26:00).
Trump ne fléchit pas, et il sait parler à l'homme de la rue. Cette attitude joue un rôle primordial dans le soutien populaire, en un temps où la représentation et l'attitude sont si importantes. L'Amérique aime les gagnants, et Trump incarne à l'évidence la réussite. Pendant que les crânes d'œuf de la Beltway ou de Saint-Germain-des-Prés pondent de savantes et triomphalistes analyses sur l'inutilité d'en appeler ainsi au mâle blanc réactionnaire car celui-ci est déjà minoritaire aux Etats-Unis et c'est trop tard, son attitude macho et courageuse suscite une certaine sympathie chez les minorités. Sa popularité est supérieure chez les femmes, et celles qui ont partagé sa vie parlent de lui avec le plus grand respect. Trump lui-même se définit comme le meilleur président possible pour les Noirs, et il n'est pas interdit de penser qu'il pourrait l'être. Les femmes noires notamment apprécient son caractère, tout comme son côté macho est de nature à plaire aux hispaniques. Bien que ce soit le cheval de bataille de ses adversaires, il sera difficile de le parquer dans la catégorie Intouchable de candidat des mâles blancs réac.
Au-delà de l'homme lui-même sur lequel il y aura certainement encore beaucoup à dire, il sera désormais très compliqué de refermer le couvercle sur cette question brûlante de l'immigration, le problème du siècle comme le décrit à merveille Pat Buchanan dans un éditorial digne d'un homme d'Etat. Le principal mérite de Trump est d'ores et déjà d'avoir ramené ce sujet au centre de la table. La droite est éveillée, et la fracture entre la base et l'élite qui menaçait à l'époque Ron Paul est désormais saillante. Le GOP tel qu'il est actuellement aura énormément de mal à se remettre de cette élection, quoi qu'il arrive. Les courtisans de la Beltway, perdus dans leurs intrigues de palais pour obtenir et conserver leurs strapontins et leurs financements, sont en train de voir la base leur échapper.
Trump peut encore voir sa candidature exploser en vol dans quelques semaines comme il peut provoquer une révolution. Mais maintenant le monde s'avance très vite vers des événements importants, dont il est impossible à ce stade de prédire l'évolution. Nous vivons à nouveau des temps historiques. Quelle époque fascinante, décidément.